Profitons des dernières semaines de cette saison estivale pour parler d’une des stars de l’été, à savoir la mirabelle, et plus spécifiquement la mirabelle de Lorraine à travers l’histoire d’un verger familial de l’est de la France, celui de mon arrière-grand-père.
L’histoire de la mirabelle
Cette variété de prune, petite, ronde et jaune, est un fruit incontournable de l’été. La récolte des mirabelles peut se faire entre le mois de juillet et la fin septembre, mais se fait généralement au mois d’août, chaque mirabellier donnant environ 4 à 6 semaines par an. L’origine probable de la mirabelle est issue d’un croisement entre un prunier et un prunellier dans la péninsule anatolienne. Le fruit serait arrivé en France durant le Moyen Âge, sa première mention datant de 1569 lors d’une visite de Charles IX à Metz, où le roi aurait reçu des “mirabelles confites au sucre” de la part des habitants. Concernant son appellation, plusieurs hypothèses existent, par exemple le mot italien “myrabolan” ou encore un maître-échevin du XVe siècle à Metz nommé “Mirabel”. Mais son origine étymologique la plus probable provient d’un petit village du sud de la France du nom de Mirabel, terme occitan qui signifie “regarde ce qui est beau” (mira-bèl).
Mirabelle de Lorraine et label IGP
Quittons maintenant le sud de la France pour revenir à notre mirabelle de Lorraine. La mirabelle devient une spécialité locale lorsque René II de Lorraine, petit-fils de René d’Anjou, implante l’arbre fruitier dans le duché de Lorraine à la fin du XVe siècle. Mais c’est à la toute fin du XIXe siècle que les vergers de mirabelliers deviennent vraiment importants en Lorraine, lorsque la plupart des vignes sont détruites lors de la crise du phylloxera (un petit insecte parasite ravageant les vignobles). Dans les années 1980-90, les producteurs de mirabelle souhaitent redorer le blason du petit fruit doré, d’abord en plantant des milliers d’hectares de mirabelliers, puis en obtenant le label IGP (Indication Géographique Protégée). La mirabelle devient alors le premier fruit à obtenir ce label. En 1995 est créée l’association “Mirabelles de Lorraine”, pour contrôler la qualité des fruits et défendre ce savoir-faire historique. Le cahier des charges de l’IGP prescrit une taille de plus de 22mm de diamètre en largeur, un taux minimal de 16° brix (taux de sucre) et bien évidemment une origine lorraine, où au moins une des étapes de production doit avoir lieu. Depuis le début des années 2000, le cahier de charge a un peu évolué, permettant notamment aux fruits surgelés la commercialisation toute l’année sous l’appellation “mirabelles de Lorraine”. Aujourd’hui, la Lorraine produit entre 70% et 80% des mirabelles vendus dans le monde. La mirabelle a donc une importance culturelle considérable dans la région, et l’on peut par exemple citer les nombreuses fêtes de la mirabelle et l’élection de la “Reine de la Mirabelle” à Metz depuis 1947 ou bien l’élection de “Miss Mirabelle” à Bayon depuis 1936.
Témoignage d’un verger familial à Bayon, en Meurthe-et-Moselle
Attardons nous désormais sur l’exemple d’un petit verger familial, à but non commercial, celui de Georges Ruche, mon arrière-grand-père. Ce verger se situe à Bayon, un petit village à mi-chemin entre Nancy et Epinal. Celui-ci possède toutes les spécificités du territoire lorrain propice à l’épanouissement des mirabelliers, à savoir un paysage vallonné, un sol argileux et un bon ensoleillement (celui-ci est plus spécifiquement exposé à l’ouest). Georges Ruche, ainsi que ses frères et soeurs (dont il est aujourd’hui le dernier membre de la fratrie encore en vie), en a hérité de son père à la fin des années 1970, lui-même l’ayant hérité de sa tante dans les années 1940. Ce verger a probablement été créé à la fin du XIXe siècle, lors de la période d’essor des mirabelliers dans cette région, remplaçant progressivement les vignes. D’ailleurs, le développement des mirabelles était tel à cette époque, dans les années d’avant-guerre, que les mirabelliers poussaient à foison au bord des routes. Les fruits étaient alors récoltés par la commune, avant d’être vendus dans toute la France, les produits de la vente servant alors à financer ladite commune. A l’époque, on récupérait la plupart des mirabelles en secouant l’arbre, et seules les plus belles mirabelles, à destination de la vente, étaient cueillies à la main. Dès lors, on pouvait les conserver en bocaux, avec ou sans noyaux, pour en consommer toute l’année. Pour en revenir au verger de monsieur Ruche, la parcelle de terrain était dans le temps un pré sur lequel on pouvait trouver quelques vignes. Les paysans d’antan séparaient leurs terrains à l’aide de murets composé de pierres et de rochers entassés. Depuis, des noisetiers ont poussé sur ces délimitations rocailleuses, offrant une séparation plus esthétique et végétale. De nos jours, le verger compte une dizaine de mirabelliers, mais également deux quetschiers et un noyer. Malheureusement, il n’est plus entretenu au quotidien, la famille ayant depuis déménagé ailleurs en France. Mais ses arbres fruitiers continuent d’offrir de délicieuses mirabelles de Lorraine, et le pèlerinage annuel à Bayon pour aller les récolter est un rendez-vous immanquable. Le reste de l’année, un paysan voisin y met ses moutons pour y pâturer, offrant tout de même un minimum d’entretien. Enfin, je finirai par relater les propos de mon arrière-grand-père, lorsque je suis allé lui poser des questions sur son verger, vendredi 23 août dernier. Lui qui est né à Bayon en 1934, il m’a raconté ses après-midi d’été durant son enfance, à cueillir et manger des mirabelles, puis rejoignant l’Euron (un affluent de la Moselle) en dévalant la pente du verger pour aller y pêcher, se servant de mouches récupérés sur les vaches du pré d’à côté comme appâts.
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