Depuis l’Antiquité, un nombre très important de grottes artificielles furent créées pour orner les jardins dans toute l’Europe. Monique Mosser et Hervé Brunon ont parcouru le continent pour découvrir ces mondes en réduction. De leur périple est né un ouvrage, L’imaginaire des grottes dans les jardins européens. Dans celui-ci, il est question de poser un regard renouvelé sur les jardins et ainsi de faire découvrir – ou redécouvrir – ces œuvres encore trop méconnues. L’histoire des grottes de jardin a été abordé maintes fois, de Jacques Gaffarel, prêtre et docteur en théologie, qui fit imprimer une table des matières de sept pages en 1684, annonçant un ouvrage sur les grottes de jardin qui ne sera jamais publié, en passant par une masse considérable de travaux plus ou moins dispersés. Mais rares sont les ouvrages qui proposent à l’heure actuelle une synthèse d’une telle dimension.
Dès l’Antiquité, puis de la Renaissance à nos jours, les grottes artificielles constituent un topos incontournable dans la création des jardins de toute l’Europe, soumis à d’infinies variations de formes, au gré des changements de goût, de l’excentricité des mécènes et de la fantaisie des concepteurs.
Ce sont des milliers de grottes qui furent aménagées au cours des cinq derniers siècles selon des échelles extraordinairement variées allant de la simple niche abritant une petite fontaine à l’immense chaos naturel transformé en paysage sublime. Beaucoup ont disparu, en raison de l’extrême fragilité de ces décors précieux, mais d’admirables réalisations témoignent encore de cet engouement jamais démenti, notamment en Allemagne, en France, en Italie ou au Royaume-Uni, au Portugal et en Russie, en Finlande et Ukraine. En rendant compte sans volonté d’exhaustivité – à travers plus d’une centaine d’exemples illustrés grâce à des prises de vue actuelles d’excellente qualité – de la richesse de ce patrimoine relativement méconnu, l’ouvrage vise à explorer les enjeux de cette fascination ininterrompue pour les grottes de jardin et à mettre en lumière l’inventivité formelle et technique à laquelle elles ont donné lieu. Il ne s’agit pas d’aborder les grottes en tant que motifs autonomes et isolés, mais bien de les inscrire tant dans leur contexte spatial et culturel, en considérant le rôle qu’elles tiennent dans la composition et la poésie du jardin, l’écriture du relief et des eaux miroitantes ou jaillissantes, la narration de la statuaire, et la manière dont elles révèlent les aspirations de chaque époque ou de chaque individu. Une centaine de documents iconographiques – illustrations encyclopédiques, peintures allégoriques, portraits, décors de théâtre, etc. –, permettent d’évoquer leur arrière-plan à la fois artistique, littéraire, scientifique, technique, religieux, philosophique ou encore anthropologique. Si le jardin opère comme microcosme, la grotte constitue à son tour un monde en réduction, une cristallisation de l’imaginaire s’incarnant dans des formes sensibles qui puisent à la réalité des lieux et poussent le vocabulaire ornemental à son paroxysme, qu’il relève du rustique, du grotesque ou encore de la rocaille. L’accumulation des matériaux et l’intensité des effets sonores et lumineux produisent des fantasmagories théâtrales ; la pénombre, les anfractuosités favorisent une intimité qui renvoie aux origines. Dépassant le simple catalogue par pays ou par périodes, les douze chapitres diachroniques de ce livre embrassent une série de catégories littéraires, esthétiques ou anthropologiques, qui, du primordial au profane en passant par le tellurique, le merveilleux et le diluvien, déclinent la poétique profonde des éléments et des émotions à l’œuvre dans la grotte. Un patrimoine exceptionnel à travers toute l’Europe redécouvert ici. Une iconographie non moins exceptionnelle.
Pour acheter le livre : ici
Laisser un commentaire